« L’histoire des femmes dans le secteur de l’informatique remonte au tout début dudit secteur. C’est-à-dire, elle remonte même sur des ordinateurs qui étaient mécaniques » a déclaré la professeure Isabelle Collet, spécialiste de l’inclusion des femmes dans le numérique dans une interview accordée à Bustek Média.
« Une des premières machines qui méritent le nom d’ordinateur, c’est la machine à différence de Charles Babbage en Grande Bretagne. Elle date de la fin du XIXe siècle. C’était une machine mécanique évidemment avec des rouages. Cette machine a été programmée par Ada Lovelace », a-t-elle poursuivi.
Quelles sont les grandes figures féminines oubliées du monde de l’informatique ?
Parmi les grandes figures féminines oubliées du monde informatique, on peut citer : Ada Lovelace, les ENIAC girls, Grace Hopper, Joan Clarke, Margaret Hamilton. Cette liste n’est pas exhaustive, mais ce sont entre autres les femmes qui ont marqué à l’encre indélébile l’histoire de l’univers informatique.
Si aujourd’hui le monde informatique est un univers fortement dominé par la gent masculine. Il est une période pas si lointaine où les femmes représentaient environ la moitié du secteur. Ces dernières ont été au tout début des autodidactes, puisque, au moment où elles programmaient, il n’y avait aucune formation en programmation. Ce sont elles qui ont donné à la programmation sa lettre de noblesse, nous avise l’autrice des oubliées du numérique, Isabelle Collet.
Ada Lovelace : première programmeuse de l’histoire
L’histoire de la programmation est intrinsèquement liée à celle d’Ada. « Mathématicienne, informaticienne, elle fait figure de pionnière en informatique. Passionnée de mathématiques. Elle est la première personne à écrire un programme informatique, particulièrement, la boucle, indispensable pour la programmation », poursuit Madame Collet.
C’est sa mère qui l’a permis de goûter au plat des zéros et des uns pour l’échapper à l’indigestion poétique de son illustre géniteur, Lord Byron. Pourtant par ironie de l’histoire, bien qu’elle a été élevée par sa mère, lorsqu’on la présente; on ne la présente pas comme la fille de sa maman, mais comme celle de son père, Lord Byron.
La connaissance des mathématiques a permis à la jeune fille d’aiguiser sa créativité d’autre manière qu’en écrivant des sonnets, ou de jongler avec les mots à la manière de son père. C’est à Londres, dans la ville du monde qu’elle a fait la rencontre de Charles Babbage, mathématicien, inventeur, ingénieur et philosophe au moment où il présente sa machine.
À sa rencontre avec le mathématicien Londonien, la jeune mathématicienne planifie et pense à concevoir une machine pouvant effectuer des calculs mathématiques complexes. Trop en avance sur son temps, elle voit plus loin, elle va jusqu’à imaginer un appareil non seulement capable de faire des calculs mais aussi susceptible de jouer avec les mots, les images et la musique.
Malheureusement, la jeune femme n’arrive jamais à matérialiser sa vision. En revanche, les premiers hommes qui ont conçu cent ans plus tard le premier ordinateur, se sont servis des notes et des croquis de la programmeuse. Après elle, d’autres esprits féminins aussi brillants qu’elle empruntent cette voie, celle de la programmation, tel est le cas des ENIAC girls.
« À partir de la deuxième guerre mondiale, les machines deviennent électriques. La grande étape, c’est celle des grosses machines qui servaient à faire des calculs balistiques. Là encore, la conception était un travail d’ingénieur. Par contre, la programmation qui était un travail mal considéré, mal payé ; elle était confiée à des mathématiciennes qui n’avaient évidemment aucune connaissance en programmation puisqu’il n’y avait pas de langage programmation qui existait. Mais les femmes fabriquaient les programmes au fur et à mesure qu’elles programmaient les machines », nous confie la professeure Collet. « Par exemple, aux États-Unis, il y avait les six mathématiciennes qui travaillaient sur l’ENIAC qui ont resté dans l’ombre très longtemps, d’autant plus, l’essentiel de leur travail était classé secret défense », ajoute-t-elle.
Les ENIAC Girls ou les programmeurs au féminin
En effet, les ENIAC Girls, Betty ‘’Jean’’ Bartik son nom de naissance est Betty Jennings, Betty Holberton, Marlyn Meltzer, Ruth Teitelbaum, Kay Mauchly Antonelli, ainsi que Frances Spence, ce sont là, les six mathématiciennes, qui ont été au cœur de la programmation de l’ENIAC (Electronic Numerical Integrator and Computer), cette gigantesque machine de 25 mètres cubes, 30 tonnes et 25 mètres de hauteur. Ces six femmes étaient surnommées les ‘’Computers’’. C’est de ce surnom que provient le substantif anglais désignant l’ordinateur. Le terme Computer à l’époque renvoie à toute personne pouvant réaliser de grands calculs.
Sans aucune connaissance de l’ENIAC et de la programmation, les six jeunes femmes se voient donner une tâche ardue, celle de comprendre et de programmer la machine.
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« Quelqu’un nous a donné un tas de plan et nous a dit : Tenez. Comprenez comment fonctionne la machine et puis comprenez comment la programmer », a déclaré Kay MCNulty dans un article de Kate Schatz.
Les six femmes ont bossé sur la machine durant plusieurs mois. Elles ont étudié les plans et les diagrammes de manières méthodiques. Elles ont même mis en place des moyens de dépanner l’appareil dont une façon d’identifier avec facilitée lequel des 18 000 ventilateurs ayant un problème.
1997 et 2013 : années de reconnaissances des ENIAC girls
Le travail des ENIAC girls a été achevé dès la fin des années 1940, mais il a fallu attendre environ 57 années pour qu’elles soient reconnues comme faisant parties des premiers programmeurs digitaux. C’est durant la même année de 1997, l’année de leur reconnaissance qu’elles ont été ajoutées sur le Hall of Fame (Temple de la renommée) des Femmes dans la technologie.
En 2013, un documentaire de 20 minutes relatant cette fabuleuse histoire des ENIAC girls est sorti. Ce film documentaire a été produit par Kathy Kleiman, fondatrice de l’ENIAC Programmer Projet, Jon Palfreman et Kate MCMahon qui sont des producteurs de documentaires à succès. Dans ce documentaire de 20 minutes, on retrouve des séquences datant de 1940 ainsi que des interviews inédites des programmeuses de la grosse machine.
Grace Hopper : une vedette du monde de l’informatique méconnue
« Une avancée décisive a été faite en programmation par une femme qui était amirale de l’armée américaine qui s’appelle Grace Hopper. Elle a inventé le processus de compilation, ce qui permet de transformer un programme informatique d’un langage machine très difficilement compréhensible à un langage pratiquement naturel. Donc, la compilation a été l’œuvre d’une femme», a affirmé la spécialiste de l’inclusion des femmes dans le numérique.
« Beaucoup d’avancées de logiciel ont été faites par des femmes à une époque où le logiciel n’était pas considéré comme un élément essentiel de l’informatique. Ainsi, en 1969, Grace faisait partie des dix premières personnes à avoir porté le titre de ‘’senior programmer’’», toujours selon la spécialiste.
La Reine des codes, Grace Hopper, est celle qui a vulgarisé le terme Bug ; expression utilisée dans le secteur informatique pour parler d’une panne, d’un problème technique. Elle est à la base du premier Compilateur en 1951(A-0 System) du langage informatique : COBOL en 1959.
Joan Clarke : collaboratrice du père de l’informatique, Alan Turing
Si le génie d’Alan M. Turing a été reconnu un peu tard à travers l’histoire de l’informatique, mais connue quand bien même, celui de Joan Clarke resta toujours dans les oubliettes de l’histoire. Mathématicienne. Elle est celle qui est derrière le décodage de la machine Enigma avec son compagne Alan Turing, qui selon les déclarations du pionnier de l’intelligence artificielle, l’a trouvée à sa trempe intellectuellement.
Enigma est une machine mise en place par les nazis durant la deuxième guerre mondiale pour envoyer des communications énigmatiques. Cette machine a été utilisée par les pays de l’Axe pour faire transiter des communications secrètes. Ainsi, Enigma fait partie de l’un des premiers ordinateurs de l’histoire.
La mathématicienne a été décorée par le gouvernement britannique, après la guerre pour ses travaux Elle a été représentée dans le film Imitation game, par Knightley.
Margaret Hamilton : La sauveuse de la mission Apollo 11
Elle est celle qui a évité à ce que la mission Apollo se tourne au cauchemar en pensant à intégrer un logiciel de priorisation, empêchant ainsi l’appareil de s’écraser lors de son atterrissage sur le sol lunaire. « Elle est la première personne a porté le titre d’ingénieure logicielle.», a déclaré l’autrice de l’informatique a-t-elle un sexe?. « Margaret Hamilton est en somme celle qui a donné à la programmation sa lettre de noblesse », toujours d’après elle. « À partir de là, la programmation est devenue de plus en plus, une discipline universitaire», a-t-elle rétorqué.
Durant cette période, selon elle, « il y avait de plus en plus d’hommes à l’université, surtout en science et en mathématiques. Et comme ça, on commence à remplacer les femmes autodidactes par des hommes qui touchaient beaucoup plus qu’eux pour un métier qu’elles avaient beaucoup plus d’expériences. » « C’est à partir de ce moment que les hommes commencent à étudier la programmation à l’université ; et ainsi a débuté la régression des femmes dans le monde de la programmation », a-t-elle ajouté.
« Cette déchéance des femmes dans le monde de l’informatique a commencé après la deuxième guerre mondiale, particulièrement vers les années 1960 », a déclaré Boursiquot, étudiant finissant en science informatique à l’École supérieure d’infotronique d’Haïti.
La sauveuse de la mission Apollo est détentrice d’un master en mathématique. Elle est également informaticienne. En 1960, l’informaticienne a travaillé à la prestigieuse université américaine MIT (Massachussetts Institute of Technology). C’est là-bas qu’elle a développé des logiciels capables de prédire la météorologie. En 1961, elle travaille sur un projet militaire baptisé SAGE ou elle sera chargée de travailler sur l’un des premiers systèmes informatiques de défense antimissile.
C’est à la grande réussite du projet SAGE qu’elle a été désignée pour être la cheffe de fil du logiciel qui est à la base de la mission Apollo. En effet, à une période où la programmation a été, à ses débuts, mise au point un programme pouvant permettre à l’homme de fouler le sol lunaire n’était pas de l’eau à boire. Pourtant, la mathématicienne a réussi à mettre en place le système informatique qui a servi pour le guidage du vaisseau spatial de la mission.
Cependant, malgré toutes ses prouesses dans le domaine, son histoire a été méconnue du grand public pendant longtemps. Ce n’est que 27 ans après son départ de la NASA en 2003 que l’agence spatiale américaine lui a décerné une distinction,’’ l’Exceptionnal Space Act Award”, pour ses contributions dans le développement et le progrès de la science. Beaucoup de temps, pour celle qui a posé les bases de l’informatique moderne. Plus récemment, en 2017, le président Barack Obama lui a donné de ses propres mains, la prestigieuse médaille présidentielle pour la liberté.
En effet, si certaines personnes, particulièrement les hommes, ne voient ou n’éprouvent pas la nécessité d’une parité de genre dans le secteur du numérique, pour Lindsey, étudiante en 3eme année science informatique à l’ESIH, c’est priver le secteur des idées des femmes, qui a évidemment selon elle une capacité de faire bouger les choses dans le bon sens, l’idée pourrait s’avérer très utiles pour le développement du champ numérique. De son côté, la spécialiste en genre et numérique pense que privé le dit secteur des femmes, c’est l’empêcher d’avoir environ de 50 % de matières grises. Car selon elle, « il n’y a pas de cerveau bleu, il n’y a pas de cerveau rose non plus ». C’est une façon imagée de dire qu’il n’y a pas un genre spécifique pour explorer les champs scientifiques.