Elle a vu le jour, en avril 1995, à Jacmel ; cette ville surtout connu pour mettre au monde des artistes, des artisans et autre acteurs dans le milieu culturel haïtien. Mais, le destin n’a pas voulu une carrière d’artiste pour la jeune femme. Bien qu’elle a eu les potentialités pour se lancer. « J’étais créative, j’avais de l’imagination », nous confie Lyse, l’air évadé dans un souvenir d’adolescente. Mais cela ne l’a pas empêché d’être une amoureuse des chiffres. Aujourd’hui, au lieu d’un pinceau ou d’un micro à la main, elle tient du bout des doigts, à longueur de journée, des lignes de codes virtuelles, derrière un écran en lieu et place d’un tableau ou d’un public.
Être ingénieure civile: Du rêve à la réalité
Programmeuse, ce n’est pas cependant ce que Lyse voulait être. Tôt dans sa vie, elle caressait le rêve de devenir ingénieure civil. « Je voulais construire des maisons, des grands parcs de jeux…» raconte Lyse, souriante en plongeant dans son passé.
Celle qui se présente comme une fille polyvalente à l’école classique a préféré orienter son choix vers les chiffres afin de se canaliser de plus en plus vers son rêve. A la fin de ses études classiques, Lyse a pris le chemin de Port-au-Prince pour faire ses études post secondaire en génie civil, comme voulu. Et, elle a fait le choix de l’Université d’Etat d’Haïti. « Je devais intégrer la Faculté des Sciences, (de l’UEH, ndlr). J’ai choisi un Préfac de la FDS afin de me familiariser avec l’espace, les gens et les professeurs » souligne Lyse qui malheureuse n’a pas réussi au concours.
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Déterminante à l’idée d’intégrer cette entité de l’UEH pour étudier le génie civil, la jeune jacmélienne était prête à retourner au concours. « J’étais vraiment prête à faire une année sabbatique pour retourner au concours l’année prochaine » nous raconte Lyse Ladouceur. Mais, j’aimais l’idée d’étudier les sciences informatiques n’a fait irruption dans l’esprit de cette jeune noire à la peau fine amoureuse des chiffres.
Tout allait basculer au moment où sa sœur lui a dit de trouver autre chose à faire au cours de l’année. Celle qui était l’une de ses plus grandes conseillères d’alors l’a surtout proposé de rester dans un environnement où elle peut toujours travailler les chiffres et tout ce dont elle aura besoin pour retourner au concours l’année prochaine. C’est ainsi qu’elle a opté pour l’Infotronique.
« Je me suis dit que c’était pas mal en fait (d’étudier les sciences informatique, ndlr). Si par ailleurs je ne deviens pas ingénieure civil, je peux devenir ingénieure en informatique ! C’est pas mal. C’est bien envisageable ! », nous raconte Lyse avec un sourire au coin des lèvres.
Lyse et la programmation, toute une histoire?
« J’aime dire que c’est à l’ESIH que je suis tombée amoureuse de l’informatique », lance-t-elle avec un sourire dans sa voix. « J’avais toujours un esprit pratique. Et, j’ai toujours aimé les challenges. Disons qu’avec l’informatique j’ai été comblé ».
Au cours de ses premiers jours à l’école, elle a retrouvé sa meilleure amie lorsqu’elle était dans la Préfac. Cela lui a donné encore plus de raison pour foncer vers l’avant et ne plus regarder derrière. Elles se sont amalgamées. A deux, elles ont fait un parcours saillant.
Dès leur première année, Lyse et son amie commencent à réaliser leurs premiers sites web. Elles ont trouvé un mentor qui les a guidées dans une direction bien plus avancée que leurs camarades.
« On faisait des exercices qu’on allait faire dans la prochaine année de notre étude. On était en avance » martelle Lyse avec un air bien fier. « Moi et mon amie… On ne voulait pas être des ingénieurs moyens. On s’était mis en tête de travailler fort, de travailler dur… et ça nous rapporté gros au final » nous raconte Lyse avec beaucoup d’enthousiasme. D’ailleurs, « Il n’y avait pas beaucoup de fille dans la classe. On était environ 5 à 10 sur environ 80 étudiants », souligne la jeune femme qui dit avait le devoir de briller.
Motivée, Lyse travaille sans relâche pour ne pas être une programmeuse ordinaire. Elle a compris que pour être l’ingénieure en informatique qu’elle veut devenir, il faut faire plus que le couramment faisable. Elle se lance dans presque toutes les initiatives de l’école ; Des groupes de programmeur, des concours, l’organisation Haïti Femme & TIC etc. Aussi, elle a décroché son premier travail au beau milieu de sa première année d’étude. ‘
« L’école devrait réaliser le “Digital Jam”… On s’est non seulement inscrit ensemble (Moi et mon amie, ndlr) au digitale Jam, mais on a aidé aussi à la préparation de l’évènement », a fait savoir Lyse. « Ils avaient besoin d’un formulaire d’entrée… Je devais réaliser ce formulaire-là. C’était un formulaire électronique qui devrait permettre aux gens de décrocher leur ticket pour participer à l’évènement », poursuit-elle.
« Ce n’était pas quelques choses de bien compliqué, mais ça valait ce que ça valait quoi ! Parce que c’était dans mes débuts », nous confie Lyse avec un sourire où l’on peut lire à la fois timidité et fierté.
Intelligente, challenger, énergique et créative, cette jeune femme à l’ardeur contagieuse semble n’avoir pas froid aux yeux quand il s’agit de se lancer dans un concours.
« J’ai participé à pas mal d’Hackathon… Je trouve que c’est amusant. On vit le stress du moment. On a 48 heures pour coder quelque chose d’innovant, d’intéressant, de révolutionnaire, qui doit convaincre des juges… », lâche-t-elle d’un ton ferme. « J’ai eu même l’audace de participer à des hackathon à l’étranger. Bien que je n’ai pas été championne ».
Dans son parcours, Lyse a déjà remporté deux hackathon ; l’un avec un projet dénommé « Lambi News » et l’autre avec « Chwa Pa n » qui vise à aider les femmes dans leurs planification familiale. Elle a également occupé la deuxième place dans un autre Hackaton.
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Fougueuse et bourrée d’énergie, Lyse ne laisse pas passer outre comme bon lui semble les opportunités qui flottent autour d’elle. D’ailleurs, elle a intégré le marché du travail tout étant encore étudiante. Ainsi, la jeune femme a du faire des sacrifices éléphantesque pour donner des résultats à la fois à l’école et au travail. Bien qu’elle ait établi un horaire de fonctionnement en prenant en compte ces nouvelles obligations, cela ne l’a pas empêché d’arriver comme un carabinier dans certains cours et de brader des nuits de sommeil. Aussi, pour rentrer chez elle après les cours, elle a dû courir de grands risque.
« J’habitais à carrefour. J’étais seule, jeune fille, dans les rues, tard la nuit. Je me rappelle que pendant plusieurs nuits, des ami.e.s m’ont hébergé chez elles. Parce que c’était de plus en plus difficile pour moi d’aller chez moi », poursuit-elle, l’esprit évasif, comme quelqu’un en train de revivre ce qu’elle raconte.
Au cours de cette période de sa vie, Lyse a travaillé pour le Bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), sur un projet de construction de routes après le passage de l’ouragan Mathieu. Dans ce boulot, elle a bossé sur un logiciel de géolocalisation et système informatique qu’elle ne connaissait même pas avant. Elle a aussi travaillé à titre de bénévole pour la School of Data (l’école des données, en français), dans un projet sur la vulgarisation des données ouvertes. Lyse a été aussi embauchée comme développeur par la compagnie Wyzdev avant de boucler ses études à l’ESIH en 2018.
Au fil des ans, elle a travaillé avec d’autres institutions et sur d’autres projets, les uns plus passionnant que d’autres. Aujourd’hui, elle est analyste programmeur à la SOGESOL ; une entreprise du Groupe SOGEBANK qui « offre des produits financiers sur le marché haïtien à des clients à faibles revenus et informels pour la plupart ». Elle est aussi l’une des organisatrices de GDG Port-au-Prince; la communauté des développeurs qui utilisent les technologies de GOOGLE.
Une collaboratrice hors-pair
« J’ai eu la chance de travailler avec Madame Ladouceur en tant qu’analyste programmeur au département Recherches & Développement de la Sogesol. Elle a un contact facile, une très bonne collaboratrice, avec des qualités vraiment remarquables dans le domaine de développement d’applications Web, de Design Web », écrit Jean Ronald Zéphir, sur le profil LinkedIn de Lyse, dans la section des recommandations.
Son niveau d’implication lorsqu’elle s’engage, son énergie, son esprit de service semblent des qualités qui font d’elles une collaboratrice d’exception dans différentes structures avec lesquelles elle collabore.
« Ce que nous aimons le plus chez Lyse au sein de l’organisation (Haiti Femme & TIC, ndlr) c’est son sens collaboratif », nous confie Debora Emanuela Toussaint, vice-présidente de ladite organisation. Lyse « est une personne créative et elle est toujours prête à partager son savoir avec les autres », poursuit Madame Toussaint. « Son esprit de créativité fait d’elle un membre exceptionnel dans l’organisation », martèle un peu plus loin la fondatrice de Femme2Tech.
Pour Lyse, le mot qui le décrit le mieux c’est « Dynamisme ». Un mot qui peut englober, dans une certaine mesure, toutes les qualités ci-dessus mentionnées.
Sourire étincelant, yeux brillants, noire éclairée, peau lisse, cheveux à désirer, Lyse Ladouceur, à l’aurore de ses 26 ans, a déjà un parcours rocambolesque dans le secteur de la Tech en Haïti. « Aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années » telle est sa citation préférée. Souvent perçu comme quelqu’un qui ne fait pas son âge, cette citation de Pierre corneille ressemble bien cette jeune femme pas trop grande ni trop de petite taille.
Mariée et mère d’un enfant, dans ses temps libres, Lyse aime faire la lecture et se casser parfois la tête dans des parties d’échecs. Son mari, Fabrice Ledan, est également programmeur. Il est aussi un artiste digital.
Rêveur à profusion, Lyse a une panoplie de projets qu’elle veut réaliser avant la fin de ses jours. Pour l’instant, elle travaille sur une plateforme en ligne dénommée « Kenedi Shop ». Elle vise à permettre aux gens d’acheter et de vendre des produits déjà utilisés mais qui sont viables. « C’est du genre quand les gens disent « M pra l achte yon ti bagay nan Kenedi a la », explique Lyse en souriant. Elle travaille d’arrache pied sur ce projet afin qu’il puisse voir officiellement le jour dans les prochains jours.
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« Lyse est l’une des rares personnes que je considère comme des fous de la technologie » soutient Debora E. TOUSSAINT, d’un air à la fois souriant et très sérieux.
« Quand je mets mon dernier point-virgule ou ma dernière ligne de code, et que ça marche, je me sens la reine du monde », nous confie Lyse avec enthousiasme.
Toujours en train d’optimiser ses connaissances, Lyse vient de terminer un bootcamp sur la Blockchain avec AgriLeger et Groupe GECA. Elle fonce sans crainte dans la Tech. Pour elle, « être informaticien ce n’est pas une question de sexe ». A toutes les femmes qui veulent se lancer, elle dit que « le niveau de difficulté que vous croyez qui se cache dans ces domaines ne doit pas vous arrêter. Il y a des choses passionnantes que vous pouvez faire. Des innovations que vous pouvez apporter. Cette petite touche de femme qui vont changer les chose ».
« Programmer c’est détenir l’avenir. »
Du haut de ses vingt-cinq ans, Lyse dit avoir beaucoup de choses à faire dans ce domaine encore en pleine effervescence dans le pays. Elle encourage plus de femmes à la retrouver. « Programmer c’est détenir l’avenir. Pratiquement tout est en train de tourner vers la technologie. Actuellement, on fait absolument tout derrière un ordinateur. On détient la vie des gens. Ce qui les passionne, ce qu’ils vont acheter, ce qu’ils vont dégouter », croit-elle fermement.
Shonly Bonel LAGUERRE
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