« Face à la crise Haïtienne, comment penser un écosystème entrepreneurial favorable au développement des startups ? » C’est autour de ce sujet que BUSTEK MEDIA a lancé sa deuxième BM Conversation le vendredi 3 Septembre dernier vers 3h PM. Plusieurs experts ont pris part à cet événement en tant que panélistes. En présentiel, on peut constater la présence de Marc Alain BOUCICAULT, fondateur de Banj, Dr Djinaud PROPHÈTE, fondateur de RadioKam et Pascale Élie RENE, présidente de HaitiPay. Deux intervenants ont participé par visioconférence : Patrick Corsi, spécialiste en innovation et Emmanuella Douyon, fondatrice de Policité.
Durant cette riche conversation, le fondateur de BUSTEK MEDIA, Shonly Bonel LAGUERRE, modérateur du panel, a posé une question assez pertinente : « Peut-on parler d’existence d’écosystème entrepreneurial en Haïti ? »
L’écosystème existe-t-il?
« Un écosystème est un ensemble d’éléments qui se mettent en harmonie pour permettre la croissance d’un être vivant », a avancé Marc Alain Boucicault pour rappeler que le monde entrepreneurial a emprunté ce terme à la biologie. Le fondateur de Banj rappelle aussi que c’est Daniel Isenberg qui a introduit ce terme dans le monde entrepreneurial. Ce dernier a insisté sur le fait que dans l’écosystème, les éléments doivent être en constante interaction. Parlant des éléments, Marc Alain en a énuméré cinq (5). D’abord, il parle de l’État, le plus riche agent économique d’un pays. Ensuite, viennent les structures d’accès au financement, puis les médias et culture, les écoles et universités et enfin, le secteur privé.
Pour le constructeur d’écosystèmes, il est évident que tous ces éléments existent bel et bien en Haïti. Mais, « Sont-ils en position optimale pour le succès des startups ? » C’est la problématique que l’économiste soulève et qu’il pense qui devrait être posée.
« L’écosystème est là mais n’est peut-être pas performant au niveau qu’on l’attendait », a déclaré Djinaud Prophète. « Mais graduellement, on essaie de créer l’écosystème nous-mêmes » poursuit avec un esprit positif le fondateur de la startup médicale RadioKam.
Pascale Élie, de son côté, a avoué qu’elle a même bénéficié de cet écosystème. « Le support de l’écosystème est très important. L’écosystème, cela nous renforce et nous met en avant de la scène, pas tout seul, mais en groupe, avec des partenaires qui nous donnent accès au cerveau, à la finance, aux instruments financiers et à tout le réseau », a fait savoir la fondatrice de HaitiPay, non sans encourager les nouveaux entrepreneurs, les startups et fondateurs de startup à ne pas hésiter à frapper aux portes de cet écosystème.
Un écosystème incomplet et pas assez efficace
L’écosystème startup en Haïti est pourtant incomplet. Il n’y a « pas assez de coworking space, pas d’angels investors » déplore Marc Alain Boucicault, qui ne mâche pas ses mots en exposant les faiblesses de cet écosystème entrepreneurial.
« Parler de startup , c’est une perspective à long terme. Pouvoir penser startup, c’est être dans un écosystème qui puisse avoir une vision de long terme », déclare t-il. « Mais, cette situation de crise en Haïti met tout dans le court terme. Cette mentalité de court terme est un poison pour l’écosystème. Cela affecte l’Université, les structures d’accompagnement, les médias etc…», a-t-il ajouté. A titre d’exemple, Marc Alain met en lumière la faiblesse de l’élément de médias et culture : « Quand le startuper a besoin de motivation, il va écouter des podcasts, ouvrir une radio ou aller dans un channel. Mais en Haïti, les médias sont constamment à court terme, en train de parler de crise. ». Aussi, parlant des médias, de l’État , des écoles et universités, il pose une interrogation à réponse non réjouissante : «Pensent-ils startup? »
« Comment faire des startup sans les universités? Est-ce que les universités sont proches des startup? Nous apprennent-elles à devenir des startupers? » s’interroge Marc Alain Boucicault sur le panel. Il souligne également le fait que les structures d’accès au financement ne sont pas assez diversifiées. Pour le fondateur de Banj, « au-delà d’une corporative, d’une banque ou de sa poche, il devrait y avoir des venture capital, des angels investisors ». Or « en Haïti, pour trouver du financement, on a que maman et papa, une banque ou une corporative » déplore t-il.
L’environnement de startup en Haïti est -il propice?
Par ailleurs, Djinaud Prophète pense qu’ en plus du milieu vivant constitué d’éléments en interaction, l’écosystème est également composé d’un milieu physique. Il s’agit de « l’environnement qu’il y a tout autour ». Aussi selon le startuper, « Comme guide, l’État doit être l’énergie ou bien le soleil permettant à toutes les interactions de bien se réaliser ». Un avis que partage également l’economiste Emmanuella Douyon.
« Ce n’est pas seulement aux startupers d’innover. Il faut aussi que le cadre soit favorable et propice. Sinon, c’est comme semer un grain dans une terre qui n’est pas fertile. Le grain en soi peut-être normal et complet mais ça ne va pas pousser parce que c’est une terre aride », a argumenté la fondatrice de Policité. « Tandis que s’il y a un environnement propice, les structures, les mécanismes, les lois, les moyens, même s’il y a crise, ça va être différent, les impacts ne seront pas aussi mauvais », a-t-elle déclaré.
En somme, de l’avis de ces spécialistes, on ne peut pas nier que l’écosystème entrepreneurial existe en Haïti. Par contre, il est évident qu’il n’est toujours pas assez favorable au développement de startup. D’où l’importance d’une telle discussion invitant à penser à un écosystème favorable à la croissance des startup en Haïti. « L’idée de créer des espaces où étudiants, startupers, secteur privé peuvent se rencontrer, c’est ça l’idée d’harmoniser l’écosystème pour rendre ce succès aux startup », pense d’ailleurs, le constructeur d’écosystème Marc Alain Boucicault.
Leila JOSEPH
#BustekMedia