L’avenir incertain de Threads confronté aux lois de l’Union Européenne !

Threads, le nouveau réseau social de Meta, a été lancé avec succès dans plus de 100 pays. Cependant, la société reporte le lancement de la plateforme dans les pays de l’Union Européenne et y bloque l'accès, le temps de la rendre conforme aux nouvelles réglementations y relatives. 

Un utilisateur avec l'application Threads

Le mercredi 5 juillet 2023, Meta a lancé Threads, sa nouvelle plateforme, avec succès. En moins de 48 heures, le réseau social a cumulé plus de 70 millions de téléchargements. Cependant, il n’est pas encore accessible dans les pays de l’Union Européenne.

Certains internautes avaient quand même réussi à télécharger l’application,  Meta a dû donc prendre des  mesures supplémentaires. En effet, un fichier APK, sur certains sites spécialisés, permettait à des utilisateurs européens d’avoir l’application sur leurs téléphones Android, ou Apple, quoique la démarche se montrait plus complexe dans ce dernier cas. Cependant, depuis le 14 juillet 2023, l’application ne fonctionne plus tout simplement dans la plupart des pays européens.

Lancer Threads en Europe : un plan qui demande du temps

Dans une déclaration à TechCrunch, la société-mère de Threads a confirmé avoir pris des mesures supplémentaires pour empêcher les personnes basées en Europe  d’y accéder pour le moment. Cependant, l’entreprise assure que le vieux continent continue d’être un marché incroyablement important pour Meta et qu’ils espèrent  rendre la plateforme disponible là-bas prochainement. Après son  lancement, la société a également pris le soin d’expliquer son indisponibilité dans ces pays. Lancer Threads en Europe, « c’est le plan », avoue Adam Mosseri, le patron d’Instagram et de Threads, à nos confrères de The Verge. Mais cela exige de la mettre en conformité avec les nouvelles lois européennes sur la protection des données. Meta n’a certes pas besoin d’une autorisation spécifique pour lancer la plateforme en Europe. Toutefois, elle doit d’abord répondre aux exigences des nouvelles réglementations, notamment celles en rapport avec la confidentialité et la protection de données.

« La complexité de la mise en conformité avec certaines de ces lois qui entreront en vigueur l’année prochaine est considérable. Nous ne voulons rien lancer qui ne soit compatible avec les règlements européens », fait savoir Mosseri. S’il n’en est pas ainsi, la société-mère de Threads risque d’ailleurs  de lourdes amendes. Le 2 mai 2023 a marqué la mise en application officielle du Digital Markets Act (DMA), dits Règlements sur les marchés numériques sur le territoire européen. À compter de cette date jusqu’à mars 2024, les entreprises doivent œuvrer pour se conformer aux exigences de ce nouveau paquet réglementaire. Les sanctions seront appliquées dès cette échéance dans le cas contraire.  Toujours est-il que « le texte est nouveau et donc, il y a encore pas mal de questions d’interprétations », reconnaît Alexandre de Streel, du Center On Regulation in Europe (CERRE). Par conséquent, ce dernier estime que comprendre la portée des règles européennes nécessite du temps.

Threads serait incompatible avec les nouvelles lois

Pour l’heure, il paraît évident que Meta s’expose à des poursuites avec Threads. « C’est l’utilisation de la base de clientèle d’Instagram qui a permis à Threads cette rapide montée en puissance », souligne Alexandre de Streel. À noter que la plateforme est un prolongement d’Instagram. Cela dit, elle en a repris les données des utilisateurs, y compris les données sensibles comme celles liées au comportement. De plus, les utilisateurs peuvent utiliser leurs identifiants pour se connecter sur Threads où ils retrouveront leurs abonnés d’Instagram. Or, « il y a des dispositions dans le DMA qui empêchent d’utiliser sa force sur un marché, ici sur Instagram, pour aller sur un autre marché », rappel de Streel. 

Si Threads semble non conforme au DMA, il n’en est pas moins de la règlementation sur la protection des données (RGPD). Ce règlement impose aux entreprises de respecter des principes clairs concernant la collecte, le stockage, le traitement et le partage des données personnelles. Certes, la fonctionnalité de suppression de compte n’y figure pas comme une obligation stricte. Mais elle contribue au « droit à l’oubli », encore appelé « droit à l’effacement ». Le respect de ce droit peut s’obtenir, entre autres, en traitant manuellement toutes les demandes de suppression de données. Or, la suppression d’un compte Threads n’est pas possible de manière autonome. Pour y parvenir, il faut supprimer le compte Instagram associé par la même occasion. Tous ces écarts par rapport aux lois européennes expliquent donc le report du lancement de la plateforme sur le territoire de l’UE.

Les nouvelles règlementations de l’Union Européenne

Les entreprises américaines sont aussi soumises à des lois sur la protection de données, telles que le California Consumer Privacy Act (CCPA). Toutefois, ces lois diffèrent des lois européennes sous certains aspects. Le RGPD offre d’ailleurs l’un des plus hauts niveaux de protection des données dans le monde. Ce faisant, télécharger Threads par de tierces moyens en Europe serait faire montre de désaccord par rapport aux règles qui s’imposent sur ce territoire. À titre d’exemple, le DMA, voté par le Parlement européen, vise à encadrer les géants de l’internet, en particulier les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), et leurs activités économiques dans l’Union Européenne. Ceux-là sont connus pour leur modèle économique basé sur « la combinaison de masses de données sur leurs utilisateurs et d’algorithmes puisssants et opaques ». Cette loi vise donc à mieux protéger les consommateurs, à renforcer leur liberté de choix et à freiner les pratiques anticoncurrentielles des entreprises.

En cas du non-respect du DMA, Meta encourt une amende pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires mondial. Ce règlement marche aussi de pair avec le Digital Services Act (DSA) qui veut encadrer les relations entre les plateformes et leurs utilisateurs. Le DSA devrait entrer en application fin août 2023. Il n’est donc pas étonnant que Meta fasse preuve d’autant de prudence. D’ailleurs, cette société a coutume de se heurter aux autorités de régulation de l’Union Européenne notamment par rapport au traitement de données. 

 

Leila JOSEPH
#BUSTEKMEDIA

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