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À elles seules, les innovations technologiques ne sont pas suffisantes pour développer Haïti

Le panel de la 4e BM Conversation. De gauche à droite, Cetil Rémy, fondateur de KatKat Game ; Shonly Bonel LAGUERRE, fondateur de BUSTEK MEDIA ; Patrick Attié, directeur général de l'ESIH. En ligne, à l'écran, Ralph E. FRANCOIS, activiste politique ; Max Larson HENRY, PDG de Transversal.

Le panel de la 4e BM Conversation. De gauche à droite, Cetil Rémy, fondateur de KatKat Game ; Shonly Bonel LAGUERRE, fondateur de BUSTEK MEDIA ; Patrick Attié, directeur général de l'ESIH. En ligne, à l'écran, Ralph E. FRANCOIS, activiste politique ; Max Larson HENRY, PDG de Transversal. Crédit Photo : EasyNet

En Haïti, nous faisons face à toutes sortes de difficultés et ce, dans tous les domaines. C’est donc dans le souci de proposer des solutions technologiques pouvant les pallier que BUSTEK MEDIA a organisé sa quatrième BM Conversation. En effet, le Jeudi 8 Septembre 2022, à l’hôtel Mariott, un espace de discussion s’est tenu autour du sujet : Quelles innovations technologiques faut-il pour développer Haïti ? Les panélistes Certil Rémy, Patrick Attié et Ralph Emmanuel François ont pu y souligner des problèmes majeurs auxquels l’on fait face en Haïti. 

Parlant de problèmes, il faut dire qu’ils étaient divers pouvant contraindre les participants à rester chez eux ce jour-là. Pourtant, le public était au rendez-vous, tant en présentiel qu’à travers les différents réseaux sociaux. La salle était remplie de plusieurs centaines de participants tous motivés et excités pour l’événement.

Nécessité d’un écosystème favorable 

C’est dans un atmosphère convivial et chaleureux que s’est tenue cette quatrième édition de la BM Conversation. Celle-ci devait permettre de mettre en évidence des innovations technologiques pouvant contribuer au développement du pays. Toutefois, « Les innovations technologiques ne peuvent se faire sur un terrain vague. Il faut qu’un ensemble de conditions soient réunies. Autrement dit, il faut un écosystème favorable pour qu’elles puissent être réalisées », déclare Max Larson Henry dans une intervention pré-enregistrée. Avis que partage Patrick Attié : « on ne peut pas réussir sans un écosystème favorable », souligne t-il, se référant à Mark Zuckerberg qui, pour développer Facebook, a bénéficié de l’appui notable de capital-risqueurs. 

Lire aussi : Existe-t-il d’écosystème entrepreneurial en Haïti ?

« Haïti est le seul pays de la Caraïbe qui n’a pas de stratégie pour la science. C’est difficile de réussir sans ce type d’écosystème », déplore le directeur de l’ESIH. Ce dernier explique que la stratégie pour la science consiste à définir les problèmes du pays, particulièrement ceux jugés prioritaires, afin de voir comment la science et la technologie peuvent les résoudre pour ensuite flécher les financements vers leur résolution. Pourtant, malgré la situation chaotique du pays provoquant tout un pluriel de problèmes, Haïti n’a pas de stratégie pour la science.

Une vue du public de la quatrième BM Conversation, présent à Marriott Hotel, Port-au-Prince, le 08 septembre 2022.

La recherche au centre du développement économique

Si l’écosystème en Haïti semble défavorable aux innovations technologiques et au développement, cela s’explique. « L’innovation vient très souvent de la recherche aujourd’hui », rappelle M. Attié. À titre d’exemple, il cite de grandes entreprises comme Google et Microsoft qui ont été créées par des étudiants. « Cela vient d’étudiants qui étaient dans un contexte éducatif universitaire de qualité qui leur a donné des capacités intellectuelles de produire des choses qui peuvent entrer en compétition avec d’autres pays. », ajoute t-il.   

Aussi M. Attié met-il en lumière la corrélation entre la recherche et le développement économique, notamment en Israël. Ce pays, fait-il savoir, n’a pratiquement pas de ressources naturelles et a environ la même  population qu’Haïti. Cependant, il a une Silicon Valley dont les revenus occupent 40% des PIB Israéliens. « Vous éliminez la technologie en Israël, vous jetez à la poubelle 40 % des revenus du pays », clame t-il. Aussi pose t-il la problématique de la mise en place de stratégies pour augmenter la masse critique de chercheurs du pays. 

Nécessité de Responsabilisation des Haïtiens

« Vous, étudiants qui évoluez dans le pays, vous ne vous croyez pas capable de faire certaines choses. Vous vous mettez toujours en tête qu’il devrait y avoir à vos côtés quelqu’un pour vous tenir la main pour que vous y arriviez. […] Si vous résolvez le problème de confiance en soi, le nombre de chercheurs pourrait augmenter », pense, pour sa part, Certil Rémy. 

Effectivement, selon Ralph Emmanuel François, il y a peu d’Haïtiens croyant que les Haïtiens peuvent résoudre les problèmes d’Haïti sans qu’on les « timounise ». De ce fait, « nous pensons devoir toujours avoir un autre esprit pouvant valider que nous pouvons résoudre nos propres problèmes. », déplore-t-il. « C’est à nous de résoudre les problèmes du pays et pour y arriver, nous devons mettre le couple recherche et confiance en soi au centre », ajoute l’entrepreneur social et activiste politique.

La lecture, essentielle et irremplaçable

Si les intervenants déplorent le manque d’estime des Haïtiens, M. Certil Rémy pointe du doigt un autre problème dans notre société. « La population n’a pas la culture de la lecture. C’est un gros challenge car quelque soit la solution développée, elle sera développée pour les gens qui savent lire », souligne le développeur. Or, « d’un côté, il y a des gens qui ne savent tout simplement pas lire, mais qui en ont envie ; d’un autre côté, il y’a ceux qui ne savent pas lire et qui ne veulent pas apprendre non plus; enfin il y a des gens qui savent lire mais qui ne veulent pas lire », déplore celui-ci. 

On l’aura beau souhaité, mais les appareils technologiques ne peuvent guère remplacer la lecture, selon les panélistes. « Les tablettes ne peuvent remplacer la réflexion et le cerveau », martèle Ralph Emmanuel François.

Et Patrick Attié d’avancer qu’ « un jeune qui lit beaucoup est infiniment plus compétent, quand il grandit, quand il devient adulte, intellectuellement que quelqu’un qui a passé toute son enfance sur des tablettes et des smartphones ». D’ailleurs, « je dirais presque : passer sa vie sur des tablettes et des smartphones est un abrutissement des gens très probablement », renchérit t-il.

Mauvaise gouvernance, mauvais écosystème

En somme, la défaillance de l’écosystème s’explique par plusieurs facteurs, mais l’État haïtien n’est pas l’unique responsable. Certes, « on est souvent en train de se plaindre, mais si la société ne demande et n’exige pas certaines choses, pourquoi le gouvernement les ferait-il? », questionne M. Attié. Celui-ci énumère d’ailleurs, entre autres, de gros manques dans l’écosystème tels l’absence de cadre légal et le non-accès aux paiements en ligne via des banques haïtiennes pour beaucoup d’applications. « Nous devons être plus proactifs et exiger plus des décideurs », pense t-il. 

Lire aussi : Nécessité d’apprendre à coder au cœur d’une discussion avec BUSTEK MEDIA

« La technologie n’a rien à voir avec le développement d’Haïti. Ce sont le leadership, la gouvernance et la volonté de changer les choses qui amènent à utiliser la technologie pour atteindre les objectifs », résume le directeur de L’ESIH. Ralph Emmanuel Francois le rejoint en affirmant que « la technologie n’est pas une finalité mais un outil pour améliorer la livraison des services aux citoyens ». En ce sens, « Il y a certes beaucoup d’efforts qui ont été faits, mais au plus haut niveau il faut avoir de la volonté pour accompagner ces efforts dans une vision », ajoute t-il. Par conséquent, il faut, selon lui, des politiques publiques pour favoriser l’inclusion technologique. D’abord faut-il éduquer les enfants dès  la maternelle afin de les intégrer à la technologie et leur permettre d’en exploiter les outils. Ainsi, plus tard, l’on pourra créer la masse critique de chercheurs dont on a tant besoin .

Par ailleurs, si des problèmes ont été identifiés et des solutions proposées au cœur de cette quatrième BM Conversation, il revient aux décideurs comme aux citoyens haïtiens de se responsabiliser.  Pour le développement d’Haïti, chacun a sa partition à jouer !

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